COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
Qu’est-ce que la Cour Européenne des Droits de l’Homme ?
C’est une juridiction du Conseil de l’Europe chargée de veiller au respect de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Cette convention a été signée à Rome le 4 novembre 1950.
La France a ratifiée cette Convention en 1974 qui est dans la droite ligne de la Déclaration Universelle des droits de l’homme de 1948.
La Cour est composée de 47 juges élus pour un mandat de 9 ans non renouvelable. Les juges, même si leur nom est proposé par chacun des Etats membres du Conseil de l’Europe, siègent à titre individuel et non pas au nom de leur pays.
Qui peut saisir la CEDH ?
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Un Etat membre, si il estime qu’un autre Etat membre viole les termes de la Convention
- Un particulier, s’il estime être victime d’une violation des droits contenus dans la Convention et s’ il a épuisé tous les recours dans sa juridiction nationale.
Quelles décisions la CEDH a-t-elle prises concernant la GPA ?
La CEDH ne se prononce pas sur la légalité de la pratique. Elle admet l’absence de consensus, parmi les pays membres, sur la légalité de cette pratique ni sur la reconnaissance de filiation.
Les Etats membres gardent leur marge d’appréciation sur ces deux points. Toutefois, la marge d’appréciation quant à la reconnaissance de la filiation est restreinte du fait que la filiation est “un aspect essentiel de l’identité des individus”.
Fiche synthétique des positions/arrêts sur la gestation pour autrui de la CEDH
Affaire Mennesson c. France - Septembre 2014
Requête no 65192/11
Arrêt définitif le 26/09/2014
https://www.ieb-eib.org/docs/pdf/2015-03/doc-1554801325-29.pdf
Elle a condamné la France qui avait refusé de reconnaître la filiation des enfants nés par GPA à l’étranger, en l’occurrence aux Etats-Unis.
Deux couples qui souhaitent voir inscrits à l’état civil leurs enfants nés par GPA à l’étranger avaient reçu une « fin de non recevoir » devant la Cour de Cassation le 6 avril 2011. Ils avaient alors saisi la CEDH pour trancher en dernier recours.
Dans les deux affaires, la Cour dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
Non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme s’agissant du droit des requérants au respect de leur vie familiale.
Violation de l’article 8 s’agissant du droit des enfants au respect de leur vie privée.
La Cour constate que, sans ignorer que les enfants Mennesson et Labassee ont été identifiés aux États-Unis comme étant ceux des époux Mennesson ou Labassee, la France leur nie néanmoins cette qualité dans son ordre juridique. Elle estime que cette contradiction porte atteinte à l’identité des enfants au sein de la société française. Elle note ensuite que la jurisprudence empêche totalement l’établissement du lien de filiation entre les enfants nés d’une gestation pour autrui – régulièrement – réalisée à l’étranger et leur père biologique, ce qui va au-delà de ce que permet l’ample marge d’appréciation qu’elle reconnaît aux États dans leurs décisions relatives à la GPA.
Affaire Paradisio et Campanelli c.Italie - Janvier 2015
Requête no 25358/12 – Arrêt du 27 janvier 2015
https://www.ieb-eib.org/docs/pdf/2015-02/doc-1554801325-32.pdf
Un couple d’Italiens est revenu de Russie avec un enfant obtenu en payant les services d’une mère porteuse. L’enfant n’avait de lien génétique avec aucun des deux commanditaires. Ceux-ci ont été mis en examen pour altération d’état civil, l’état civil russe étant établi sur la base de données mensongères, faux et infraction aux lois sur l’adoption. Après 6 mois passés avec les « acheteurs », l’enfant a été placé et a reçu un nouvel état civil comme né de parents inconnus. C’est précisément sur la question de la conformité du placement de cet enfant aux dispositions de la Convention Européenne des Droits de l’Homme que la Cour Européenne des Droits de l’Homme a statué.
Par son Arrêt du 27 janvier 2015 la Cour s’oppose au droit italien et considère que la justice italienne a porté une atteinte disproportionnée à la « vie familiale » des commanditaires, notamment en ordonnant la mesure de placement de l’enfant qu’ils avaient acquis en Russie. L’Italie doit payer au couple de commanditaires la somme de 20.000 euros.
Affaire Valdis Fjôlnisdottir et autres contre l’Islande - Mai 2021
arrêt de Chambre 18 mai 2021
Dans son arrêt de chambre, rendu dans l’affaire Valdís Fjölnisdóttir et autres c. Islande (requête no 71552/17), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
non-violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’affaire porte sur le refus de reconnaître un lien parental entre Mmes Fjölnisdóttir et Agnarsdóttir et X. Ce dernier est né d’une mère porteuse aux Etats-Unis. Toutefois, aucune des deux premières requérantes n’a de lien biologique avec lui. Les intéressées n’ont pas été reconnues comme les parents de l’enfant en Islande, où la gestation pour autrui est illégale.
La Cour juge que, malgré l’absence de lien biologique entre les requérants, les liens existants entre eux constituent une « vie familiale ». Toutefois, la Cour estime que la décision de ne pas reconnaître les deux premières requérantes comme parents de X a reposé sur une base suffisante en droit interne et, prenant acte des efforts déployés par les autorités pour maintenir cette « vie familiale », elle conclut en définitive que, dans la présente affaire, l’Islande a agi dans les limites de sa marge d’appréciation.
Affaire D.B. et autres c. Suisse - Novembre 2022
https://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-220955
Un couple d’hommes ayant eu un enfant par gestation pour autrui aux Etats-Unis attaque l’état suisse pour refus de reconnaître le lien de filiation établi par un tribunal américain entre le père d’intention et l’enfant. Le lien de filiation entre le père génétique et l’enfant ayant été quant à lui reconnu par les autorités suisses.
La Cour a jugé que le refus des autorités suisses de reconnaître l’acte de naissance établi légalement à l’étranger concernant le lien de filiation entre le père d’intention et l’enfant, sans prévoir de mode alternatifs de reconnaissance du lien en question n’a pas poursuivi l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette impossibilité constitue une ingérence disproportionnée dans le droit de l’enfant au respect de sa vie privée qui l’a amené à conclure à une violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) en ce qui concerne l’enfant.
Par ailleurs, la Cour a rappelé que le recours à une GPA est contraire à l’ordre public suisse. Les difficultés pratiques que le couple d’hommes a rencontré ne dépassent pas, selon la Cour, les limites qu’imposait le respect de l’article 8 de la Convention. La Cour a donc conclu à une non-violation de l’article 8 (respect de la vie de famille) pour les deux hommes.
Avis consultatif - Cour de cassation française - Avril 2019
relatif à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention demandé par la Cour de cassation française, avril 2019
https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-actualite.fr/files/resources/2019/04/pdf.pdf
Interrogée principalement sur la reconnaissance des parents d’intention et la transcription de leur filiation sur les actes de naissance d’enfants nés de GPA hors du territoire national, la CEDH conseille de conserver la filiation biologique et de transcrire la filiation d’intention par le truchement de l’adoption.
Ainsi, le père d’intention, lorsqu’il est également le père biologique de l’enfant, peut être inscrit sur l’acte de naissance. La mère d’intention, en revanche, si elle n’est pas la mère biologique, doit récupérer sa filiation en adoptant l’enfant.